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Alimentation bio et maladies chroniques

Existe-t-il des études de qualité prouvant scientifiquement que l’alimentation bio a un effet sur l’incidence ou la prévalence des maladies chroniques, en particulier les maladies inflammatoires intestinales ?

La réponse CrossDoc

Cette question générale sur le Bio est intéressante. Il n’y a malheureusement aucune étude sérieuse sur l’intérêt ou pas des aliments Bio chez l’enfant, toutes mes réponses concerneront donc l’adulte. Je rappellerai cependant que le cahier des charges des aliments destinés à l’enfant est tel, notamment les quantités de nitrates et de pesticides tolérées, que les aliments Bio n’apportent aucun avantage. De surcroît, le principal pesticide retrouvé (dans des quantités bien inférieures au seuil de toxicité) dans l’analyse de plus de 1500 échantillons d’aliments pour enfants en bas âge, Bio et non Bio, était le cuivre qui provient du sulfate de cuivre, un pesticide uniquement utilisé en agriculture biologique [EFSA Journal, 2018].

Revenons maintenant à la question posée. Pour les MICI, une seule étude a été réalisée chez l’adulte en comparant un groupe de 5 patients consommant des produits Bio avec 9 patients consommant une alimentation pauvre en fibres et en graisses et riches en glucides. Les différences constatées en termes d’évolution de la maladie ne sont pas statistiquement différentes, même si les résultats semblent meilleurs dans le premier groupe. Cependant, devant le faible effectif et les nombreux biais méthodologiques, la dernière analyse Cochrane a estimé que ce travail ne montrait pas d’intérêt du Bio [Limketkai et al., 2019]. Dans cette même méta-analyse, les auteurs concluent de manière générale qu’aucune mesure diététique n’a fait la preuve de son intérêt dans la prise en charge des MICI [Limketkai et al., 2019].

Autre question, l’intérêt du Bio sur l’incidence des maladies chroniques.

Plusieurs travaux montrent que les aliments bio sont plus riches en anti-oxydants (polyphénols, vitamine C), en fer et en magnésium et moins riches en protéines et en cadmium [Guéguen et al., 2010], alors que d’autres ne trouvent aucune différence significative de composition avec ceux issus de l’agriculture conventionnelle (AC) [Dangour et al., 2010]. Cette disparité semble en fait liée à un biais de sélection. En effet, lorsque le stade de maturité, l’année et le lieu de culture et la variété des fruits et légumes sont les mêmes, toute différence de composition disparaît. De surcroît, la quasi-totalité des études cliniques ayant recherché un effet bénéfique sur les paramètres plasmatiques révélant la fonction anti-oxydante, les facteurs de risque cardiovasculaires ou la fonction immunitaire n’ont montré aucune différence entre les aliments bio et ceux issus de l’AC [Dangour et al., 2010].

La prévention des cancers a été rapportée comme étant un des principaux bénéfices du Bio. Le rôle des pesticides a été avancé, laissant penser que les aliments Bio ne contiennent pas de pesticides, ce qui est totalement faux. Si les pesticides de synthèse sont effectivement interdits en agriculture Bio, les pesticides naturels comme le sulfate de cuivre, tout aussi toxiques pour l’homme, sont eux autorisés.

Un travail très médiatisé a ainsi rapporté une diminution du risque de cancers chez les gros consommateurs d’aliments Bio [Baudry et al., 2018]. Ce travail est issu de la cohorte NutriNet-Santé constituée de sujets s’inscrivant volontairement sur le site dédié et acceptant de répondre à d’innombrables questions relatives à leur mode de vie, notamment alimentaire. L’analyse des 68 946 participants de l’étude a permis de montrer une réduction significative des cancers du sein post-ménopausiques et des lymphomes dans le quartile des plus gros consommateurs de Bio, comparés aux 3 autres quartiles regroupant les consommateurs moindres. Aucune différence significative n’a été mise en évidence pour les autres cancers. Bien évidemment, les statistiques réalisées ont tenu compte des nombreux facteurs confondants.

Cette cohorte est importante mais nullement représentative de la population générale dans la mesure où seuls les individus motivés par le rôle de l’alimentation pour leur santé s’y inscrivent. Elle est d’ailleurs constituée de 78% de femmes. D’autres biais fragilisent également ce travail : toutes les données sont purement déclaratives, le recueil des paramètres nutritionnels a été effectué sur seulement 3 jours connus à l’avance et répartis au hasard sur 2 semaines et le dépistage des cancers n’a pas été contrôlé.

Une analyse plus fine des résultats relativise terriblement les conclusions. En effet, la consommation d’aliments Bio a été évaluée par un score non validé qui a permis de classer les individus en 4 quartiles croissants. Pour les 2 cancers dont le risque était diminué, seul le 4e quartile se distinguait des 3 précédents pour lesquels la fréquence des cancers était identique ! Ainsi, sur près de 70 000 individus, il y avait seulement 19 cancers du sein et 18 lymphomes en moins dans le 4e quartile comparé au 1er. De toute évidence, et par l’aveu même des auteurs, ce 4e quartile regroupait les sujets les plus favorisés et les plus préoccupés par leur santé, élément important de prévention des cancers et difficilement effaçables par les analyses statistiques. Ainsi, la réduction du risque absolu de cancer considérant l’ensemble de la population n’était que de 0,6% ! Il est donc fort probable que cette très modeste réduction du risque de cancer soit liée au mode de vie des individus du 4e quartile et nullement au Bio.

Soulignons tout de même la prudence des auteurs qui demeurent mesurés, mentionnant les nombreux biais qui pourraient relativiser leurs résultats. Ils ne peuvent cependant s’empêcher d’évoquer le rôle potentiel des pesticides pour expliquer les différences observées, en omettant toutefois de rappeler que l’agriculture biologique utilise de nombreux pesticides naturels. Les auteurs auraient dû pourtant s’étonner que l’effet prétendu protecteur du Bio contre les cancers s’amenuisait lorsque les statistiques étaient limitées à la consommation de fruits et légumes, principaux vecteurs de pesticides.

Pour clore ce débat, citons cet article britannique portant sur une population 10 fois supérieure à la précédente (623 000 femmes), de méthodologie bien meilleure, ne montrant pas d’effet protecteur du Bio sur le risque global de cancers et soulignant même la plus grande fréquence des cancers du sein et de l’utérus chez les grosses consommatrices de Bio !! [Bradbury et al., 2014]. Il faut cependant souligner qu’il retrouvait également une diminution du risque de lymphome chez les consommateurs de Bio, avec une différence à la limite de la significativité.

En conclusion, aucun travail scientifique fiable ne permet d’affirmer l’intérêt d’une alimentation Bio sur la santé. La seule certitude indéniable des aliments Bio est leur coût plus élevé.

Grade de preuve (EBM) : A

Niveau de recommandation : Fort

Références :

Pour le niveau de preuve et gradation des recommandations de bonne pratique, consulter les recommandations de la H.A.S.