Aliments fermentés
Les aliments fermentés sont vantés pour leurs bienfaits du fait des probiotiques qu’ils contiennent. L’effet sur la santé de ces probiotiques ne peut provenir de leur ingestion et de leur action au niveau du microbiote intestinal puisqu’ils sont détruits par l’acidité gastrique. Donc, l’action bénéfique de ces probiotiques ne peut se situer qu’au niveau de l’aliment lui-même avant sa consommation.
Pouvez-vous préciser ce point ?
La réponse CrossDoc
Un aliment fermenté n’est pas réellement, ou pas seulement, un probiotique. On pourrait dire qu’il est l’association d’un prébiotique + probiotique + postbiotique. Je m’explique. La fermentation est un processus anaérobie convertissant les sucres en alcool par des enzymes bactériennes ou par levures en acide lactique. L’aliment fermenté contient donc un prébiotique (le sucre) qui est converti par un microorganisme (probiotique) en ferments (postbiotique). Parfois, il contient encore des microorganismes vivants et parfois non.
Comme vous le savez, l’utilisation d’aliments fermentés remonte au néolithique et leur utilisation est déjà recommandée par Hippocrate (Lloyd, G.E.R.; Chadwick, J.; Mann, W.N. Regimen for Health. Hippocratic Writings; Penguin Books Ltd.:London, UK, 1983; pp. 154–196)
Initialement développée pour des raisons de conservation des aliments, la fermentation permet également d’améliorer le goût, l’arôme et la texture des aliments fermentés. Mais il semble que leur consommation soit également bénéfique pour la santé.
Les mécanismes qui sous-tendent ces bénéfices sont multiples. Au-delà des apports nutritionnels des matières premières, ils résultent de l’élimination, de la synthèse et de la transformation des composants alimentaires au cours de la fermentation par les activités des micro-organismes associés à la fermentation. De telles actions peuvent entraîner une amélioration de la valeur nutritive de l’aliment (par exemple, grâce à la détoxification des phytates ou à la synthèse de vitamines) ou à la génération de composés biologiquement actifs (par exemple, des peptides bioactifs ou de l’acide linoléique conjugué). Les constituants alimentaires et les produits de fermentation, ainsi que tous les micro-organismes de fermentation viables restants, sont consommés et pénètrent dans le tractus intestinal. Ces micro-organismes, ainsi que les membres résidents du microbiote intestinal, pourraient transformer davantage les constituants alimentaires in vivo en substances bioactives telles que les peptides, les bactériocines, les acides aminés, l’acide linoléique conjugué ou les acides organiques. Les constituants des aliments fermentés et les micro-organismes associés à la fermentation et leurs produits cellulaires peuvent interagir avec le microbiote intestinal, l’épithélium intestinal ou le système immunitaire de l’hôte.
Vous posez par ailleurs spécifiquement la question du devenir des bactéries ingérées dans le tractus intestinal. Même non ‘protégées’ comme dans des gélules de probiotiques, les bactéries de notre environnement que nous ingérons quotidiennement réussissent (au moins une partie d’entre elles) à coloniser notre intestin. Cela a bien été démontré par exemple pour les bactéries du lait maternel que l’on retrouve dans les selles du bébé, et dans bien d’autres cas encore …
Vous trouverez en référence un article de synthèse récent pour approfondir le sujet si vous le souhaitez.
Grade de preuve (EBM) : B
Niveau de recommandation : Fort
Références :
Pour le niveau de preuve et gradation des recommandations de bonne pratique, consulter les recommandations de la H.A.S.