Introduction des laitages
Beaucoup de parents ont recours à des laitages très tôt dans la diversification. Mes questions sont les suivantes :
- Quels sont les inconvénients à l’introduction des laitages dès 4-6 mois ? Pour moi, un apport excessif en protéines et une diminution des apports hydriques…???
- Faut-il retarder cette introduction si possible ? 9 mois ?
- Dans le cas où le sevrage est difficile et que les parents ont du mal à introduire le lait sous forme de biberon, y a-t-il des recommandations à faire ? Une diététicienne recommandait de retirer 1/3 du laitage pour mettre de la crème fraiche à la place pour diminuer l’apport en protéines. Qu’en pensez-vous ?
La réponse CrossDoc
Il y a plusieurs questions essentielles dans votre demande, je vais les traiter successivement.
Si par introduction des laitages, vous entendez l’introduction des produits laitiers (yaourt, petit suisse, fromages), comme tous les aliments, ils peuvent être introduits dès 4 mois révolus. Je vous rappelle juste que seuls les fromages pasteurisés doivent être donnés jusqu’à au moins l’âge de 5 ans.
Si vous pensiez plutôt au remplacement du lait infantile (voire du lait de mère) par les laitages, le problème est radicalement différent. En effet, les laitages ne peuvent en aucun cas remplacer le lait de mère ou infantile. En effet, ils n’apportent que du calcium, alors que les laits infantiles apportent aussi du fer, des acides gras essentiels (AGE) et de l’acide docosahexaénoïque (DHA). J’en profite pour vous rappeler que, selon les recommandations de la Société Française de Pédiatrie que vous trouverez en référence, les nourrissons doivent consommer au moins 700 ml de lait 2e âge de 6 à 12 mois pour assurer les besoins en fer (et par la même occasion ceux en calcium, AGE et DHA). S’ils ne veulent plus de biberons (c’est aussi une de vos questions), il faudra alors leur proposer des bouillies au lait 2e âge (1 cuillère à soupe pour 100 ml de lait) ou ajouter la poudre de lait dans les purées et compotes (1 cuillère mesure de poudre de lait équivaut à 35 ml de lait reconstitué) ou proposer du lait de croissance, si possible aromatisé et/ou sucré pour en améliorer l’acceptabilité (contrairement à ce que vous pouvez lire parfois). L’objectif étant d’assurer les 700 ml quotidiens.
Reste la peur d’un excès de protéines que vous évoquez à plusieurs reprises. Il s’agit d’une idée reçue, malheureusement véhiculée par certaines sociétés savantes. Le risque d’augmenter la survenue d’une obésité provient d’une étude prospective totalement biaisée et donc non crédible. Une étude française, très rarement citée et pourtant nettement meilleure méthodologiquement, démontre que ce risque d’obésité n’existe pas, et pire encore, qu’un apport trop faible en protéines risque de réduire la croissance du périmètre crânien, et donc peut-être du cerveau. Quant au risque d’atteinte rénale, très souvent évoqué, aucune étude ne l’étaye. D’ailleurs, les sociétés savantes qui préconisent la limitation des apports protéiques n’évoquent que le risque d’obésité et à aucun moment le risque rénal, par manque de preuves. Vous pourrez donc transmettre à la diététicienne qui ajoute de la crème que son attitude n’est pas utile si son objectif est de réduire l’apport protéique, mais qu’elle l’est si c’est pour assurer des apports lipidiques suffisants chez le nourrisson et le jeune enfant. Vous pouvez aussi définitivement oublier le risque lié à un apport protéique trop important.
Grade de preuve (EBM) : A
Niveau de recommandation : Fort
Références :
Pour le niveau de preuve et gradation des recommandations de bonne pratique, consulter les recommandations de la H.A.S.