Origine auto-immune ou toxique d’une hépatite
Je sollicite votre avis pour un patient de 14 ans avec une maladie de Crohn iléocolique avec atteinte digestive haute diagnostiquée en novembre 2023, initialement sous Modulen exclusif 6 semaines puis Modulife. Traitement par Imurel arrêté rapidement devant une pancréatite biologique, et introduction d’Infliximab en janvier 2024. Traitement par Infliximab à 10 mg/kg toutes les 4 semaines (optimisation faite en raison de taux d’infliximabémie bas avec présence d’anticorps anti-infliximab à titre peu élevé, rapidement résolutive). Bonne réponse clinique, biologique et endoscopique à l’Infliximab. Pas d’autre traitement en dehors du Modulen.
Il présente une cytolyse hépatique depuis août 2024 à >10N (ALAT maximum 600 U/l, ASAT maximum 300 U/l) avec discrète cholestase (GGT à 2N) avec TP conservé. Le bilan infectieux est négatif, dosage pondéral des immunoglobulines normal, anticorps anti nucléaires à 200 UI, les autres anticorps sont négatifs. Recherche de maladie de Wilson négative.
La cholangio-IRM est normale, sans argument pour une cholangite sclérosante primitive.
La biopsie hépatique réalisée en octobre (avec relecture par le Pr P.) montre une hépatite aiguë modérément active dont les aspects évoquent une origine immuno-médiée. Pas d’argument morphologique formel permettant de différencier entre une origine auto-immune ou toxique.
A ce jour, persistance de la cytolyse : ALAT 290 U/l, ASAT 100 U/l, GGT 107 U/l, bilirubine normale, TP 77%.
Quelle est la conduite à tenir ? Arrêt de l’Infliximab et relai par Adalimumab ?
La réponse CrossDoc
Bonjour, le cas de votre patient est complexe, il pourrait avoir en effet 1-2 diagnostics : une hépatite auto immune, ou une hépatite auto immune mimétique induite par les médicaments. Et malheureusement il est difficile de faire la part des choses sachant que l’Infliximab (et l’adalimumab) ont été associés aux hépatites auto immunes et aux hépatites induites par les médicaments (Andrade et al). Un fait clinique récent évoque une histoire un peu similaire et qui s’est amélioré après arrêt des anti-TNF (et une courte cure de Budésonide).
Au total il est difficile de faire la part des choses. Il paraitrait raisonnable de faire un arrêt des anti-TNF (il existe un risque à une hépatite sous Adalimumab) et de voir l’évolution. S’il y a une amélioration spontanée ou après une courte cure de corticoide vous pourrez conclure à une hépatite induite par les médicaments. En cas de nécessité de traitement prolongé cela évoquera une hépatite auto immune « sui generis ». Si nécessaire le dossier pourrait être discuté à une RCP Maladies inflammatoires des voies biliaires et hépatites autoimmunes (réseau FILFOIE).
En cas d’impossibilité d’anti-TNF, l’Ustekinumab peut être proposé selon les dernières recommandations de l’ECCO.
Grade de preuve (EBM) : B
Niveau de recommandation : Intermédiaire
Références :
Pour le niveau de preuve et gradation des recommandations de bonne pratique, consulter les recommandations de la H.A.S.